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Jalil Benabdillah, un chef d’entreprise à la COP 22

par | Tribunes

4 Déc, 2016

La COP 22 a eu lieu du 7 au 18 novembre 2016 à Marrakech, au Maroc. L’un de nos contributeurs, Jalil Benabdillah, y a participé et nous avons voulu connaître les raisons et les enjeux d’un tel déplacement pour un chef d’entreprise. Voici des extraits de notre entretien que vous pouvez retrouver en intégralité vidéo dans notre rubrique Prenez La Parole, en bas de cette cette page.

Jalil Benabdillah, chef d’entreprise

Je suis Jalil Benabdillah, président du Groupe SD Tech, Solides Divisés Technologies, spécialisé dans les nano et les micro poudres pour l’industrie. Je suis aussi président d’un réseau régional, Leader Occitanie qui regroupe aujourd’hui 120 entreprises de différents secteurs industriels et de différentes tailles. Je suis également élu à la Ville d’Alès en charge de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et élu à l’Agglomération d’Alès en tant que Premier Vice-Président en charge de l’Economie et du Développement international.

La COP 22, une « COP 21 bis »

J’ai participé à la COP 22 à Marrakech pour plusieurs raisons : d’abord en tant que citoyen, pour l’intérêt que je porte aux problématiques de l’environnement et le climat ; ensuite en tant que chef d’entreprise, parce que ma société peut être impactée par les décisions qui seront prises lors de ces réunions importantes ; enfin en tant que représentant d’un réseau qui regroupe beaucoup d’entreprises dans différents domaines d’activités qui sont directement ou indirectement concernées par la COP 22.

Par ailleurs, la COP 22 fait suite à la COP 21 qui s’est tenue à Paris : j’ai eu la chance et le privilège de participer à la COP 21 en intervenant avec Madame la Ministre de l’Environnement El Haité pour parler de l’éco-mobilité et du développement durable. C’était une suite naturelle que d’aller à la COP 22 à Marrakech parce que c’est une COP 21 bis, la suite logique et naturelle des discussions qui ont eu lieu à Paris.

La COP 22, un rendez-vous aussi pour les chefs d’entreprise

La COP au départ me semblait éloignée de mes préoccupations de chef d’entreprise. Puis j’ai découvert ce monde qui se donnait rendez-vous pour discuter de climat, d’environnement, d’économie circulaire et de développement durable. Je l’ai découvert à Paris et j’ai été piqué par le virus de la COP.

Il y a en fait trois ou quatre mondes qui se retrouvent dans ces réunions. Il y a bien évidemment la partie visible de l’iceberg, avec des élus, des politiques, des chefs d’état et de gouvernement, les ONG qui se retrouvent pour parler de l’avenir du monde en matière d’environnement et de climat.

Mais il y a aussi toute la partie invisible de l’iceberg, c’est à dire la société institutionnelle, la société civile, la société économique qui se donnent également rendez-vous en marge de la COP pour pouvoir débattre, discuter, prendre des décisions, établir des feuilles de route pour des investissements lourds, et impliquer la société civile dans un certain nombre de décisions majeures. Cela dépasse largement les aspects purement politiques ou même environnementaux, qui sont les plus apparents et celui sur lesquels on communique le plus.

Un contexte favorable aux discussions, sans tabou

Quand j’ai décidé d’amener une petite délégation de chefs d’entreprise à la COP 22, j’avais plusieurs objectifs. Le premier était de leur donner envie de s’impliquer dans ces problématiques-là qui concernent les entreprises. Je voulais leur prouver concrètement qu’en rencontrant un certain nombre de décideurs ils allaient retrouver pour leurs entreprises et pour leurs écosystèmes des choses très précises et très concrètes. Je voulais ne pas garder pour moi ce que j’avais ressenti à Paris.

Le deuxième, c’était de donner l’exemple. J’y suis allé en tant que chef d’entreprise, j’ai amené mon ami Directeur Général Aziz Ait Amer et j’ai invité un représentant de chambre de commerce mais aussi des chefs d’entreprise de Leader Occitanie pour qu’ils puissent eux-mêmes porter la bonne parole auprès de nos membres, aux autres chefs d’entreprise, pour les convaincre de l’intérêt d’être présent lors de ces grandes messes qui semblent très politiques et institutionnelles et qu’ils ne le sont pas uniquement.

Le troisième objectif est lié à des orientations très précises. J’avais pris des rendez-vous avec la Confédération Générale des entreprises marocaines, avec laquelle on avait déjà établi des relations par le passé. On avait aussi pris rendez-vous avec le Club de la Presse au Maroc, avec lequel on aura des interactions dans le futur. On a pris rendez-vous avec la Chambre Française de Commerce et d’Industrie qui est représentée à Casablanca et qui agit pour défendre les intérêts des entreprises françaises au Maroc.

De façon complètement intéressée, au lieu d’aller au Maroc dix ou quinze fois pour rencontrer tous ces décideurs, en allant à la COP, je retrouve tout ce monde dans un même lieu, dans une ambiance dédiée et favorable à la discussion et aux échanges où il n’y a pas de tabou : on peut discuter politique, on peut discuter logistique, on peut discuter business… Le contexte est très favorable. Tous mes collègues venus avec moi ont ressenti cela, ils ont rencontré des décideurs et des chefs d’entreprises de très haut niveau.

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Rencontrer le top management

La COP 22, ce n’est pas un Salon. Le top management y est généralement présent et quand vous allez sur un stand rencontrer telle ou telle entreprise vous y rencontrez le PDG, le DG, le Directeur des Achats : vous rencontrez les décideurs, ce qui permet d’aller plus vite, d’accélérer.

Au-delà de cet aspect, il y avait tout ce qui se passait en marge de la COP 22 dans les hôtels, dans les lieux de congrès et de réunions : beaucoup d’ateliers et de rencontres business, de rencontres d’affaires, de lobbying économique, de lobbying sur les institutions et les décideurs, d’organisations pour pouvoir répondre à des appels d’offres, de structurations de groupe d’influence économique pour pouvoir accéder à tel ou tel marché.  Il y a donc une agora pour les affaires et la société civile qui discute, qui réfléchit, qui pose les problèmes et qui essaie d’être entendue, d’avoir un écho.

Les chefs d’entreprises sont des citoyens impliqués, concernés par leur environnement, ils n’ont pas juste une vision du profit et de l’économie pure et dure mais ils ont aussi une vision sociétale sur ce qui se passe dans leur environnement proche, dans leur environnement national et international. Ils ont envie que le monde aille un peu mieux.  Ecouter les personnes les plus impliquées, les plus concernées qui portent parfois les projets avec peu de moyens, c’était franchement très enrichissant.

Une mobilisation décevante

J’étais très désagréablement surpris par le manque d’enthousiasme et le manque de mobilisation des décideurs politiques, des décideurs économiques, des chefs d’entreprise et d’un certain nombre de responsables et d’élus qui n’ont pas vu l’intérêt de participer à un évènement de référence mondiale où un certain nombre de décisions sont prises qui nous concernent tous.

Je suis d’autant plus surpris qu’à l’issue de la COP 21, qui s’est déroulée à Paris, où un accord majeur a été conclu qui concerne toutes les nations, j’aurais imaginé que la France serait beaucoup plus impliquée dans la « COP 21 bis » organisée dans un pays francophone, francophile et ami, à deux heures de la France, avec des coûts logistiques très limités.

Certes il y avait un certain nombre de représentants, de décideurs, de ministres et même le Président de la République y est allé, mais je n’ai pas ressenti un enthousiasme fort autour de la COP 22. Le retour médiatique en France était très limité, peu de gens ont entendu parler de la COP durant de les quinze jours de sa durée. On n’a pas encore complètement perçu l’incidence de ces réunions sur l’économie et la vie en société, sur la vie de tous les jours.

Le Maroc, engagé sur la voie des énergies renouvelables

Avec les six chefs d’entreprises de ma délégation, nous avions ciblé trois ou quatre débats et forums qui nous intéressaient sur les partenariats publics-privés, et sur la responsabilité des élus locaux. Quelques uns parmi nous ont assisté à la conférence de presse du Ministre de l’Economie et des Finances marocain et du Directeur de la Banque du Maroc sur la feuille de route financière pour le Maroc, sur les investissements énergétiques et l’éco-mobilité.

C’était très intéressant de voir l’engagement de ce pays dans les énergies renouvelables, dans l’énergie solaire, l’éolien et toutes les formes d’énergies nouvelles. Cette orientation a une incidence sur les entreprises françaises qui travaillent déjà avec le Maroc ou qui veulent exporter leurs expertises au Maroc : c’est un champ d’investissement très large (au sens propre comme au sens figuré) et qui donne le tournis.

Il y a vraiment matière à suivre le train que le Maroc a lancé : le Maroc n’est pas un pays pollueur, ce n’est pas un pays très industrialisé mais c’est un pays qui a fait le choix de l’énergie renouvelable et des énergies propres et ce choix-là va avoir une incidence financière, économique, sur ses entreprises mais aussi sur ses partenaires : or son premier partenaire économique, c’est la France. Ne serait-ce que pour cela nous avions intérêt à écouter et à savoir ce qui se dit, ce qui se fait et quelles sont ses prochaines échéances économiques et financières.

La Zone Bleue, un état dans l’état

J’ai eu la chance d’obtenir une accréditation pour la zone bleue. Il y a une zone verte, ouverte à la société civile, aux entreprises, à un certain nombre de confédérations et d’ONG, et il y a la zone bleue qui est sous l’égide de l’ONU, un pays dans le pays. C’était d’ailleurs étrange pour moi qui suis franco-marocain de me retrouver dans un pays qui s’appelle l’ONU, où il faut montrer patte blanche, où il faut avoir une accréditation – qui n’était pas simple à obtenir.

Cela m’a permis d’assister aux débats « high level negociations », c’est-à-dire aux négociations de très haut niveau impliquant les chefs d’état et de gouvernement et de voir la partie apparente de l’iceberg que l’on voit dans tous les médias et que la presse couvre largement.

La COP, le Davos de la société civile

L’an prochain je me rendrai à la COP 23, dans la mesure de mes moyens et des responsabilités que j’occuperai à ce moment-là. La prochaine COP est organisée par les Iles Fidji mais pour des raisons logistiques évidentes elle se tiendra à Bonn, en Allemagne. Et j’irai à Bonn parce que je trouve que la COP, c’est le Davos de la société civile, de la société intellectuelle, de la société institutionnelle et politique : il n’y a pas que la finance, il n’y a pas un seul thème abordé mais plusieurs thèmes, habillés, maquillés par la problématique de l’environnement et du climat.

Pour ces raisons tout le monde peut y trouver son compte et personnellement je trouve mon compte à aller rencontrer les décideurs et les penseurs, à rencontrer les organisations qui luttent et qui se battent, qui alertent les sociétés sur les risques et sur l’avenir de ce monde.

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Auteur de l’article :

Jalil Benabdillah