En France, 3% des femmes actives sont des entrepreneures et 14% des femmes occupent des postes à responsabilité dans les organisations. Faible score qui révèle les obstacles rencontrés par les femmes tout au long leur vie professionnelle.
La fulgurante progression du nombre de réseaux féminins depuis le Women’s Forum de Deauville en 2005 traduit une volonté forte de la gent féminine : celle d’inventer des parcours professionnels adaptés à leurs contraintes et de modifier le fonctionnement du pouvoir organisationnel dont elles sont trop souvent exclues.
Actuellement, près de 450 cercles de femmes sont recensés dans l’Hexagone. Quelles sont les spécificités de ces réseaux ? Quels sont leurs objectifs ? Quelles actions engagent-ils ? État des lieux d’un phénomène de société qui façonne le nouveau visage de l’entreprise et de l’entreprenariat de demain.
Cinq « modèles-type » de réseaux de femmes, directement liés aux problématiques du monde de l’entreprise, se distinguent nettement. Internes aux entreprises, organisés par secteurs d’activités, issus des Grandes Écoles, fédérés par des femmes entrepreneurs ou réunis en réseau de réseaux, ces cercles évoluent dans des contextes propres qui déterminent leurs champs d’action et leurs possibilités d’intervention.
Les réseaux internes aux entreprises ou comment briser le plafond de verre en conciliant vie professionnelle et personnelle
Initiés par les cadres et les dirigeantes des grandes entreprises, la création de ces réseaux est une réponse aux difficultés des femmes confrontées au plafond de verre ou isolées dans l’exercice de leurs fonctions. Empêchées dans leur ascension par les codes de l’entreprise et les obstacles inhérents à leur statut de femme (maternité, temps partiel, etc.), le réseau a pour mission de sensibiliser les acteurs de l’entreprise aux disparités entre les hommes et les femmes et d’être force de proposition auprès des directions générales. Leurs actions résident dans la mise en place d’une veille bienveillante mais rigoureuse des usages de leur groupe afin de générer une prise de conscience collective des inégalités.
L’instauration de « charte du temps » afin de préserver l’équilibre entre vie personnelle et privée est également un outil pertinent qui permet de repenser la culture du présentéisme en entreprise. Enfin, les cercles familiarisent les femmes avec la pratique du réseau, le partage d’expérience et le mentorat qui leur sont souvent étrangers.
Principaux réseaux :
Les réseaux féminins sectoriels ou comment rompre l’isolement en luttant contre les stéréotypes des professions réservées aux hommes
Les femmes exerçant dans des milieux professionnels traditionnellement masculins (automobile, finance, industrie, etc.) ne peuvent bénéficier, contrairement au cas précédent, du « potentiel féminin » de leur entreprise. Trop peu nombreuses dans leur organisation pour générer la force de frappe nécessaire à l’exercice de leur influence ou éloignées par leur statut libéral (juristes, experts-comptables, etc.), ces femmes ont créé des réseaux par activités leur permettant de mener une réflexion globale à l’échelle du secteur sans se heurter aux codes régissant leur profession. Une option intéressante pour
faire avancer le débat et bénéficier des avancées qui en découlent sans enfreindre les obligations contractuelles des femmes en responsabilité dans les grands groupes.
Afin d’acquérir de la visibilité et de faire entendre leurs voix, elles partagent leurs expériences et échangent leurs bonnes pratiques. Elles travaillent également à faire tomber les stéréotypes et les « à priori » sur leur secteur et à ouvrir largement les portes de leurs entreprises aux jeunes générations de femmes afin de faire évoluer les schémas organisationnels en place.
Principaux réseaux :
Les réseaux de femmes des Grandes Écoles ou comment vaincre le « syndrome de la bonne élève » en s’initiant aux pratiques des réseaux dès l’entrée en formation
Les femmes ont accès aux Grandes Écoles depuis 1972. Si la mixité gagne du terrain sur le champ de la formation, les résultats sont beaucoup moins probants concernant la promotion professionnelle de ces femmes. Généralement constitués d’anciennes élèves quadragénaires en activité lésées par les systèmes de cooptation qui favorisent leurs homologues masculins, les réseaux travaillent à la mise en valeur de leurs compétences et à déconstruire les conditionnements culturels dont les femmes sont victimes.
Ces réseaux connaissent actuellement une mutation profonde et ne sont plus l’apanage de femmes expérimentées déjà en poste. Les étudiantes des Grandes Écoles, conscientes du « syndrome de la bonne élève » et des inégalités que le monde professionnel leur réserve créent leur propre réseau dès leur formation.
Axé sur un travail de perception de soi et de parrainage, ces réseaux initient les femmes aux codes de l’entreprise et à la pratique du réseautage. L’efficacité du réseau résultant en partie du facteur « temps », les femmes des Grandes Écoles offrent de belles perspectives d’évolution par leur entrée précoce dans ces
réseaux émergents.
Principaux réseaux :
- Grandes écoles au féminin (GEF) qui rassemble 10 grandes écoles d’ingénieurs françaises : Centrale Paris, ENA, École des Ponts ParisTech, ESCP Europe, ESSEC, HEC, INSEAD, Mines ParisTech, Polytechnique et Sciences Po.
Les réseaux de femmes entrepreneurs ou comment être accompagnées dans la création, le financement et le développement de son entreprise
Contrairement aux cercles précédents, ces réseaux ne s’adressent pas exclusivement à des femmes issues de formations supérieures. Ces réseaux, à la fois nationaux et locaux, œuvrent pour que l’acte d’entreprendre soit perçu par les femmes comme une option naturelle plutôt qu’une exception parmi les perspectives professionnelles.
Ces réseaux ont pour vocation d’être à l’écoute des femmes d’ores et déjà chefs d’entreprises ou porteuses de projet et de les soutenir en créant autour d’elles un environnement entrepreneurial favorable. Accompagnement à la création, au financement, au développement et à la pérennisation de l’entreprise, ces réseaux sont un levier intéressant pour les non-initiés à la création d’entreprise et pour les entrepreneuses plus expérimentées qui souhaitent accroître leurs activités. Partages d’expériences, mise en lumière de modèles et mentoring sont proposés lors de temps d’échanges informels ou de programmes de formation spécifiques réservés aux adhérentes.
Principaux réseaux :
Les réseaux de réseau ou comment accéder aux plus hautes fonctions et faire avancer le cadre législatif
Incontournables, ces réseaux sont issus du regroupement de réseaux préexistants ou de cercles de dirigeantes. Organisés principalement autour de femmes influentes et leaders d’opinion, elles sont les porte-voix du travail mené par l’ensemble des réseaux féminins et des valeurs qu’ils défendent. Elles promeuvent l’égalité professionnelle, la mixité dans les organes de pouvoir, le renforcement de la présence des femmes dans les médias et les initiatives entrepreneuriales innovantes portées par des femmes.
Leur atout, capitaliser sur l’expérience et les acquis des réseaux membres afin de se professionnaliser et d’étendre leur sphère d’influence à tous les niveaux de la société. Coaching pour accéder aux plus hautes fonctions, forums nationaux et internationaux, information sur l’impact positif de la féminisation des entreprises, colloques, conférences, concours, bourses, récompenses, etc., ces réseaux permettent d’approfondir les débats et de maintenir la pression sur les instances politiques et économiques afin de faire avancer le cadre législatif lorsque la bonne volonté ne suffit plus.
Principaux réseaux :
En 2017, grâce au plan « Entreprendre au féminin » mis en place par le Gouvernement en 2013, le nombre de femmes créatrices d’entreprises devrait atteindre 40% contre 32% actuellement. Objectif ambitieux mais réaliste si les chiffres transmis par les études récentes se confirment.
Plusieurs analyses démontrent les meilleures performances des entreprises dont les conseils d’administration sont féminisés. La progression des chiffres d’affaires des TPE et de PME dirigées par des femmes est également supérieure aux résultats obtenus par les hommes chefs d’entreprise.
Le travail mené par les réseaux de femmes est donc un atout non négligeable pour l’entreprise et l’économie. Les mentalités évoluent. Les chefs d’entreprise et les DRH prennent conscience que les forces vives féminines sont des opportunités de développement. Ils créent des outils qui favorisent la féminisation des effectifs et l’émergence des réseaux dont le plan Women@Renault lancé en 2010 est un parfait exemple.
Si l’entreprise et le monde de l’entreprenariat se conjuguent à présent au féminin, la vigilance est encore de mise. La mixité progresse mais les inégalités demeurent. Si les réseaux féminins prennent le virage de la révolution digitale habilement, l’ordre établi pourrait être bousculé durablement dans le monde de l’entreprise.