Louis Gallois était le grand témoin de la soirée de remise des prix du concours Alès Audace le 12 décembre 2017. Pour Les Patrons était présent pour recueillir le point de vue de ce grand acteur de l’économie française depuis plusieurs décennies. Voici le verbatim de son intervention à propos des défis de la transformation numérique et de la robotisation pour l’industrie et l’économie française.
« Il faut voir la transformation numérique comme une opportunité pour les entreprises, aussi comme un défi. Pour beaucoup d’entreprises, il y a une timidité sinon une crainte de se lancer dans quelque chose qui est assez nouveau.
Les robots sont la condition de l’emploi
On dit que les robots détruisent l’emploi : c’est faux, les robots créent des emplois. Les pays robotisés sont les pays où il y a le moins de chômage. Pourquoi ?
Parce que ce sont des pays compétitifs. Ce sont des pays qui sont capables de générer de la croissance économique. Ce sont des pays capables de créer des entreprises. Je pense donc qu’il faut sortir du débat : “Les robots tuent l’emploi”. Ils ne tuent pas l’emploi, ils sont la condition de l’emploi.
Comment aider à la transformation numérique ?
Il y a eu le CICE, qui va être transformé en allègement de charges. Je souhaite qu’il porte sur des salaires plus élevés, jusqu’à 3 fois et demi le SMIC, parce que c’est une des faiblesses de l’industrie française. Un ingénieur coûte 30% plus cher en France qu’en Allemagne parce qu’il y a un plafonnement des charges sociales, qu’il n’y a pas en France. Alors que l’opérateur de base est à peu près au même niveau (même un peu moins cher en France qu’en Allemagne).
J’avais été un des promoteurs du suramortissement : c’est une mesure extrêmement positive qui coûte de l’argent, mais qui a un effet d’entraînement remarquable sur l’investissement. Je pense qu’on pourrait faire un suramortissement spécialisé dans l’automatisation et la robotisation.
Des métiers qui changent ou changeront
Je vais vous citer l’exemple des concessionnaires automobiles : leur métier va changer fondamentalement. Je suis allé en Chine : ils sont très avancés sur les techniques de connexion.
En Chine lorsque vous achetez une voiture, vous allez sur un site où vous avez la comparaison de tous les modèles. Les opérateurs du site refusent la documentation proposée par les constructeurs : ils se font leur propre documentation sur les automobiles. Ils prennent deux cent photos de chacune des voitures, avec des éclairages qui sont toujours les mêmes.
Sur le site vous avez une capacité à choisir absolument extraordinaire. Vous voulez une voiture 208 avec le toit de telle couleur et la carrosserie de telle autre, telle option, le site va vous indiquer que cette voiture est disponible dans le garage X.
Vous passez ensuite sur le site d’Alibaba, où vous pouvez présenter votre projet d’acquisition de la voiture. Alibaba, c’est l’Amazon local : ils vous connaissent par la multiplicité des opérations que vous avez faites sur leur site. En dix minutes, Alibaba vous fait une offre financière ferme pour financer votre voiture : vous allez chez le concessionnaire avec une feuille de papier où il y a absolument tout. Il n’y a plus qu’à signer entre le concessionnaire et vous.
Le concessionnaire n’a pas eu son mot à dire, le constructeur n’a pas eu son mot à dire, la voiture est vendue et le seul rôle du concessionnaire sera de vous faire faire le petit tour en voiture pour vérifier que vous la maîtrisez bien !
C’est donc un changement absolument décisif pour les concessionnaires qui vont devoir se réinventer un nouveau métier autour du service au client : le client ne va pas se satisfaire uniquement du contact Internet, il va vouloir obtenir un interlocuteur sur la durée de vie de la voiture. »
Vous pouvez retrouver l’intégralité de l’intervention de Louis Gallois en vidéo depuis la page Facebook d’Alès Agglomération. Ce passage se situe aux alentours d’une heure trente de retransmission.
En savoir plus sur Louis Gallois
Louis Gallois a notamment été PDG de l’Aérospatiale de 1992 à 1996, puis président de la SNCF (de 1996 à 2006), coprésident, puis président exécutif et administrateur d’EADS de 2006 à 2012, et parallèlement, président-directeur général d’Airbus (2006-2007).
Il a été Commissaire Général à l’Investissement de juin 2012 à avril 2014. Il est depuis avril 2014 Président du Conseil de Surveillance de PSA. Parallèlement, depuis 2011, il est co-président de La Fabrique de l’Industrie, un laboratoire d’idées, destiné à développer la réflexion sur les enjeux et perspectives de l’Industrie.
Louis Gallois est également président depuis juin 2012 de la Fédération Nationale des Associations d’Accueil et de Réinsertion Sociale (FNARS) devenue au 1er janvier 2017 Fédération des Acteurs de la Solidarité. Il a été nommé président de l’association Expérimentation Territoriale contre le chômage de Longue Durée (ETCLD) le 18 juillet 2016.